Robert AUFAN , 56 bd du Pyla, 33260 La Teste de Buch (France) est
seul titulaire de l'intégralité des droits d'utilisation et d'exploitation des
textes et des documents (schémas,
cartes, photographies…) utilisés sur ce site. Ces fonds sont exclusivement
réservés à un usage non commercial. Toute utilisation à des fins d'édition est
donc rigoureusement interdite.En tout état de cause, toute diffusion des
documents devra comporter l’indication d’origine.
VI- ARCACHON A
Comment se présentait la nouvelle cité dans
les années 1855/57 avant que, poussant le processus jusqu' au divorce total,
qui d'ailleurs ne s'imposait pas, elle ne se sépare de
A) L'URBANISATION
Le résultat de l'attitude des responsables
testerins et gujanais avant le cantonnement fut une urbanisation continue que
permet de suivre le tableau suivant. II recense les immeubles construits(1)
|
|
|
L'URBANISATION |
|
XVIII° |
1849 |
|
I- Cabanes
et |
3 |
7 |
|
bâtiments
ruraux |
|
8 |
|
|
|
|
|
II-Maisons |
1822 |
1 |
|
|
1823 |
1 |
|
|
1829 |
1 |
|
|
1834 |
1 |
|
|
1836 |
3 |
|
|
1839 |
1 |
total
jusqu'en 1841: 8 |
|
|
|
|
|
1841 |
2 |
arrivée du
chemin de fer à La Teste |
|
1842 |
3 |
|
|
1843 |
3 |
|
|
1844 |
1 |
Total
1841-1844 : 9 |
|
|
|
|
|
1845 |
9 |
Construction
de la route vers Eyrac |
|
1846 |
6 |
|
|
1847 |
8 |
|
|
1845/47 |
7 |
|
|
1848 |
17 |
total
1845/48: 47 |
|
|
|
|
|
1849 |
21 |
autorisation
de cloturer et route Eyrac- La Chapelle |
|
1850 |
3 |
|
|
1851 |
32 |
|
|
1852 |
61 |
|
|
1854 |
55 |
|
|
1855 |
41 |
total
1849/56: 213 |
|
|
|
|
|
|
|
TOTAL
GENERAL jusqu'au cantonnement: 277 |
|
|
|
|
Il convient d'en soustraire 34 bâtiments
qui furent détruits de 1853 à 1856 pour être remplacés, ce qui nous ramène à 243 maisons et bâtiments ruraux.
Cette urbanisation rapide continua après le
cantonnement :
1856 :
43 maisons dont un théatre construit par Deganne et 8 démolitions soit un solde
de 35 immeubles
1857 :
35 maisons et 2 démolitions, soit 33.
Total général de constructions depuis l'origine : 311 édifices
divers.
Pourtant, le décompte auquel nous avons
procédé des maisons des 225 propriétaires privés figurant sur la première
matrice cadastrale d'Arcachon en 1858 (2) ne s'élève qu'à 323
immeubles divers + 18 bâtiments ruraux et 5 cabanes ainsi que 4 bains. Ce qui fait un total, sans les bains, de 344
immeubles : 334 maisons, 3 cuisines indépendantes et 10 établissements
commerciaux Même en ajoutant les 19
construits en 1858 (22-3), cela ne donne que 363 + 4 = 369 immeubles divers.
La différence peut s'expliquer
par l'absence, dans ce relevé, des différents bâtiments «publics» (douanes,
eaux et forêts...).
Un
« Guide du voyageur à Arcachon » signé en 1855 par F.Gufflet 1bis, ancien régisseur de l’hôtel
Gaillhard, dresse quant à lui la liste des maisons classées par rues et par
numéros et celle de leurs occupants (voir l’annexe). Ce travail qui est la
suite logique de la décision du conseil municipal de La Teste de numéroter les
rues prise en juillet 1854, donne les résultats suivants :
Rues |
|
Nb de maisons |
emplacements |
|
|
|
|
Principale (bd de la plage) |
244 |
48 |
|
Allée de la chapelle |
8 |
9 |
|
Allée Sainte Marie(avenue) |
2 |
3 |
Cela donne un total de 255 maisons l’auteur ajoute 11 propriétaires
en forêt (après la vieille chapelle ) et
15 entre la chapelle et Eyrac, le décompte effectué y est moins clair, cette
zone comportant aussi 11 « empacements ». cependant, la comparaison
avec la liste des propriétaires de 1857 permet de penser qu’il y avait là 17
édifices, ce qui ferait un total de 272.
Par contre, il est difficile d'admettre les
chiffres qui apparaissent dans le tableau introductif de la première matrice
cadastrale d'Arcachon pour l'année 1857,
que nous avons résumés ci-dessous, d'autant que ce tableau est contredit par
les comptes qui résultent de la liste nominative des propriétaires.
Propriétés bâties |
254 Maisons |
|
2
Bains |
|
Propriétés
non bâties |
hectares |
ares |
centiares |
|
terres
labourables |
|
4 |
72 |
|
pins,
bois |
682 |
79 |
5 |
|
pâtures,
pacages |
10 |
6 |
47 |
|
jardins,
vergers |
2 |
44 |
55 |
|
marais,
prés salés |
|
38 |
40 |
|
landes,
friches, dunes |
9 |
1 |
23 |
|
routes,
chais, bâtiments ruraux |
8 |
64 |
25 |
|
total |
713 |
38 |
68 |
|
|
|
|
|
|
dont
propriétés de l'Etat |
340 |
62 |
36 |
|
reste |
373 |
76 |
31 |
|
Autre
contradiction : celle qui résulte du recensement publié par M. Montigaud en
1905 qui donne, pour l'année 1857, 283
maisons pour 388 habitants et 107 électeurs(3).
Le chiffre est repris d'un mémoire de
Lalesque, discuté dans la séance du Conseil du 8 mai 1856 consacrée à
l'érection d'Arcachon en commune. Mais le Maire y déclare: «Ce nombre est certainement bien plus élevé et il augmente tous les
ans. Admettons toutefois qu'il en reste 400... ».
Cela prouve que personne, même la
municipalité à un moment pourtant important, ne savait combien il y avait
exactement d'habitants dans le quartier d'Arcachon. Il en est de même pour les
maisons que le maire estime à 287
plus «une vingtaine construites ou agrandies
cette année».
En fait, la matrice cadastrale est
incomplète comme nous le verrons en annexe car toutes les ventes antérieures à
la naissance de la commune n'ont pas été comptabilisées.
Quels que soient cependant les chiffres, il
reste clair que la suppression de façon détournée (par la construction des
routes et les autorisations de clôturer), puis de façon officielle (par le
lancement de la procédure de cantonnement), a entraîné une montée en puissance
de l'urbanisation sauf en 1850 où la stagnation est vraisemblablement liée aux
incertitudes politiques.
_____________________________________________________________
Qui étaient ces propriétaires ?
Le document étudié plus haut montre pour
1855 la répartition suivante :
Propriétaires arcachonnais résidant dans
l’agglomération bordelaise : 79
hors Gironde……………………. : 4
autour du bassin……………….. : 2
à La
Teste de Buch…………….. : 32
à « Arcachon »………………….: 38
dont 28 ont des activités liées au tourisme ( 6 artisans ,8
hoteliers,13 commerçants et 1 mèdecin).
On peut donc en conclure que la population « étrangère » est déjà
dominante : 85 contre 70, les autochtones étant pour leur plus grande part
des testerins.
:B) LE RACHAT DES DROITS D'USAGE ET LES
VENTES
1) Le rachat
Comme nous l'avons dit, c'est le Maire de
La Teste, Lamarque de Plaisance qui, le premier, racheta ses droits. Mais il
n'y a pas eu de rachat général : beaucoup de propriétaires, en particulier
parmi les vendeurs de lots, préfèrent, en effet, que ce soient les acheteurs
qui paient le rachat. II semble que les parcelles rachetées en premier soient,
c'est naturel, les parcelles bâties ou à bâtir puisque le rachat entraînait
l'obligation de clôturer. Ce n'est donc que petit à petit que les droits se
sont éteints et pendant plusieurs années il y eut coexistence entre des
propriétés privées et clôturées et des propriétés
usagères encore libres d'accès.
Le tableau suivant montre ce qui s'est
passé entre le cantonnement et la proclamation de la nouvelle commune :
Rachat
des droits |
|
1855 |
1856 |
1857 |
total |
||
|
|
|
|
|
|
|
|
Nombre
de propriétaires |
|
46 |
52 |
3 |
101 |
||
Nombre
de parcelles concernées |
64 |
88 |
4 |
156 |
|||
Situation
des parcelles |
|
|
|
|
|
||
|
façade
sur bassin |
29 |
27 |
3 |
59 |
||
|
sur D4 |
19 |
31 |
|
50 |
||
propriétaires
ayant tout racheté |
18 |
23 |
1(Cie Ch de fer) |
42 |
|||
|
|
|
|
|
|
|
|
Superficie
concernée (Ha, Ares, Cent) |
10-18-96 |
12-91-39 |
7-93-23 |
31-03-60 |
|||
Sur le total théorique de
En ce qui concerne la taille des 58
parcelles rachetées en totalité, voici ce qu'il en fut :
taille
des parcelles situation
des parcelles |
||||
|
|
|
|
|
|
sur bassin |
sur D4 |
intérieur |
total |
|
|
|
|
|
moins
de |
0 |
4 |
9 |
13 |
500/1000 |
6 |
9 |
4 |
19 |
1000/1500 |
7 |
1 |
2 |
10 |
1500/2000 |
4 |
0 |
0 |
4 |
2000/2500 |
2 |
2 |
3 |
7 |
2500/3000 |
1 |
1 |
0 |
2 |
Plus
de 3000 |
0 |
2 |
1 |
3 |
On constate la prédominance des parcelles
«résidentielles» proches du bassin, soit en façade, soit sur la principale
route, ce qui est d'autant plus normal que certaines d'entre elles avaient été
clôturées avant le cantonnement : la comparaison avec la liste des
autorisations préfectorales de clôture montre qu'il y a eu, grâce au rachat,
régularisation d'un état de fait pour 24 propriétaires, mais que 15 autres qui
étaient déjà clôturés n'ont pas jugé bon de racheter immédiatement leurs droits
! La situation reste donc pour le moins anarchique et ne se stabilisera qu'au
fil des ans.
3) Les ventes et leurs prix
En ce qui concerne l'évolution des prix
après le cantonnement, l'examen des actes passés chez le notaire Dumora entre
juin 1855 et mars 1857, soit 41 transactions entre particuliers, montrent qu'il
n'y a pas eu de changement notable.
Dans le tableau suivant portant sur 3
parcelles, BOS, LES PLACES et BOS MACHENS, la première ligne indique le prix
maximum (à l'are) atteint avant le cantonnement, la seconde la fourchette de
prix entre le cantonnement et la naissance de la commune pour les parcelles
restées usagères (dont l'acquéreur devra payer le rachat), la troisième la même
fourchette pour les parcelles rachetées (dont le vendeur a déjà réglé le
rachat).
parcelles |
Vente
|
initiale |
|
revente |
|
|
bassin |
intérieur |
|
bassin |
intérieur |
|
|
|
|
|
|
BM
Peymaou Duprat |
|
300 |
|
|
1432 |
|
|
15,55 |
|
1250 |
102/284 |
|
|
|
|
|
|
BOS
Lalesque |
510 |
300 |
|
500 |
416 |
|
|
|
|
777/877 |
163/500 |
|
|
|
|
|
138/217 |
Les
Places Jehenne |
|
200 |
|
|
1000 |
|
|
250/300 |
|
|
286/700 |
|
|
300/500 |
|
|
476/500 |
La première remarque, c'est qu'il n'y a pas
de grande différence entre parcelles usagères et rachetées. Ce rachat qui
revenait à 3 francs l'are n'a guère été répercuté, et largement, que par
«Jenny» Jehenne.
Quant aux prix, seule les reventes de
parcelles bordant le bassin ont nettement augmenté, mais c'est beaucoup plus la
rareté des terrains offerts que le cantonnement qui est ici en jeu. Bien
qu'anecdotique, la vente par Lalesque de
Une autre pression aurait pu s'exercer sur
les prix : celle du chemin de fer. En effet, la ligne reprise en 1852 par
Année |
parcelle |
vendeur |
superficie
|
prix
à l'are |
|
|
|
|
|
1856 |
Eyrac-
Les Places |
Nelly
Robert |
1-19-00 |
10 |
1856 |
id° |
id° |
2-20-00 |
10 |
1857 |
id° |
id° |
2-44-10 |
13,29 |
1857 |
B.M.Peymaou |
Richon,
Calvé, Lacou |
1-93-30 |
30 |
1857 |
Bruxelles |
Deganne |
60 |
11 |
1857 |
Aiguillon |
héritiers
Bourdain |
1-24-05 |
10,95 |
1860 |
B.P.Peymaou |
Richon,
Calvé, Hernozant |
1-
3-66 |
100 |
|
id° |
id° |
2-26-34 |
50
(dunes) |
Si l'on compare avec les autres prix
pratiqués, on constate que ceux offerts par la compagnie sont très bas ; ce qui
n'empêche pas à l'occasion de petits bénéfices. C'est ainsi que Richon, Calvé
et Lacou ont réalisé une plus-value de 14,45 francs sur chaque are du terrain
qu'ils avaient acheté 3 mois plus tôt à Gabriel Duprat. Celle qu'ils réalisent
en 1860 s'élève à 84,45 francs sur chaque are. Ce n'est pourtant rien au regard
des prix de revente par lot qu'ils fixent, cinq jours après avoir vendu au
Chemin de fer, à 102 francs l'are.
Quant à Deganne, la parcelle de Bruxelles
lui a coûté
.
4) L'effacement des précurseurs
Cette période de transition entre le
cantonnement et la naissance d'Arcachon voit disparaître du paysage économique
et foncier deux «figures» importantes :
-le 11 avril 1856, Jean Duprat, son épouse
et son fils Gabriel âgé de 23 ans, propriétaires de Bos Machens et Peymaou
vendent pour 3.000 francs aux époux Deganne
Cette association sera réduite à 3 membres
en janvier 1857, Dasté cédant ses droits à Richon et Calvé pour 1/4 du prix
payé soit 9.000 francs plus une soulte de 3.400 francs.
L'année suivante verra le départ de Lacou et
l'entrée d'Henri Hernozant qui paye 17.847 francs ce qui avait coûté 9.000 dix
huit mois plus tôt.
- le 9 mars 1857, François Honoré Peyjehan
cède la totalité de la parcelle de Bruxelles, soit
Ces ventes se font donc au prix de 10
francs (Duprat-Deganne), 15,55 francs (Duprat-Lacou...) et 8,57 francs l'are
(Peyjehan-Deganne), très loin du prix du marché. Certes le rachat des droits,
qui n'était pas obligatoire, aurait coûté 6.900 francs à Duprat et 4.200 à
Peyjehan mais ce n'était rien par rapport au gain que leur aurait rapporté la
vente par lots de leurs terrains puisque le premier lot réalisé par nos quatre
associés l'est à 102 francs l'are le 3 mars 1857, soit une plus-value de 555%.
C) LES INFRASTRUCTURES URBAINES
1) La voirie
Nous avons vu que l'essentiel de la voirie,
outre la départementale 4 qui était empierrée, consistait en chemins forestiers
privés et que ce n'est qu'en 1846, puis en 1851 que le Conseil Municipal décida
de leur transformation ou de la création de nouveaux chemins vicinaux.
Le sol de ces emprises avait souvent été
donné par les propriétaires qui, après avoir imposé aux acheteurs de laisser
libre ces passages, avaient ainsi la possibilité de transférer la charge de
leur entretien à la commune, tout en désenclavant leurs parcelles. La percée de
ces chemins par les propriétaires avait parfois donné lieu à des conflits :
ainsi en
1855, Deganne avait-il installé sur
l'actuelle avenue Sainte Marie, un panneau précisant «II est interdit aux acquéreurs de Monsieur Méran de passer sur cette
avenue»
C'est au long de ces nouvelles voies que
petit à petit s'était construite la ville.
Outre les chemins vicinaux dont nous avons
déjà parlé, un réseau assez régulier de voies non pavées avait été organisé par
les propriétaires avec des dénominations personnelles que l'on trouve dans les
actes notariés mais qui ne seront pas toutes reprises ensuite dans la
nomenclature municipale.
__________________________________________________
Le tableau ci-dessous dresse l'état de ces
rues :
Pièce |
Nom de la rue |
largeur |
Long. |
nom actuel |
|
|
|
|
|
Machens |
Rue St François |
8 |
|
Crs Lamarque ouest |
|
Ste
Gratiane
ou St Gratien |
6 |
|
Rue Da Cruz Teixera |
|
St
Jean |
5 |
|
Rue Leo Neveu |
|
St
Felix |
8 |
|
Crs Lamarque est |
|
St
Martin |
|
|
Rue François de Sourdis |
|
Peymaou |
7 |
|
Legallais |
|
des
Chalutiers puis des Pilotes |
6 |
|
Dumora |
|
Avenue Brémontier |
12 |
|
Bd de la cote d'argent |
|
|
|
|
jusqu'à Pereire |
Les Places |
Cours Ste Anne |
8 |
360 |
Cours Lamarque |
|
Rue Jehenne |
8 |
345 |
Rue Jehenne |
|
Allée des 3 bornes |
3 |
70 |
Rue Lanine |
|
Chemin de Sébastopol |
3 |
65 |
Chemin de Sébastopol |
|
Chemin Lavialle |
|
|
Rue Roger Expert |
|
Rue Dussaut |
6 |
182 |
R.Mal De Lattre de Tassigny |
|
Rue des oiseaux |
8 |
277 |
Cours Tartas |
|
Place Sainte Anne |
30 |
65 |
Place Lucien de Gracia |
|
Passage Montjoly |
4 |
83 |
disparu |
|
|
|
|
|
Eyrac |
Allée de Tourny |
25 |
270 |
Avenue Lamartine |
|
Euphrosine Street |
5 et 15 |
|
Av.Gambetta jusqu'à la Poste |
|
Allée de Rivoli puis Av.de la Gare |
12 |
|
Avenue du général Leclerc |
|
Av.du Château puis |
25 |
|
Avenue du Général de Gaulle |
|
du Chemin de fer |
|
|
|
Mouing |
Avenue Saint Honoré |
8 |
|
Boulevard Chanzy |
|
Chemin de l'aiguillon |
|
|
id° (suite) |
|
|
|
|
|
Bos |
Allée de la Chapelle |
|
|
Allée de la Chapelle |
|
Allée suite à D4 ( ouv. en 1852) |
8 |
|
Bd de l'Océan |
|
Passage |
4 |
|
Passage Lacordaire |
|
|
|
|
|
Binette |
Avenue Sainte Marie |
12 |
400 |
Avenue Sainte Marie |
|
|
|
|
|
II fallait d'abord pouvoir s'y retrouver,
aussi le Conseil Municipal avait-il décidé le 22 juillet 1854 de numéroter les
maisons. Cette opération qui coûta 120 francs se doit d'être remarquée car le
Conseiller Moureau se vit refuser qu'on étende la mesure à celles de La Teste
pourtant plus nombreuses.
Seule
Mais la générosité du Conseil testerin
avait des limites : le 4 août 1853, il déclara qu'il importait «à la salubrité publique que pendant les fortes chaleurs et
au centre d'une population considérable,
une fraîcheur salutaire soit constamment maintenue».
En
conséquence il fut décidé: «les
propriétaires de
Cela devait se faire «tous les ans du 15 juin au 30 septembre et deux fois par jour avant 8
heures et avant 18 heures». Il semble d'ailleurs d'après les déclarations
de Lamarque de Plaisance en 1856, que cet arrosage ait été réalisé par une
entreprise créée par la municipalité dont
les frais (1.200 francs pour 3 mois) incombaient aux propriétaires.
C'était aussi l'association des propriétaires
qui était responsable de l'éclairage dont elle avait payé le matériel. Les
premiers réverbères furent installés en 1854 sur le boulevard de
Au chapitre de la salubrité, il faut aussi
mentionner l'eau potable : jusqu'en 1857, elle était fournie par des puits et
distribuée par des porteurs d'eau ; 2 puits en particulier étaient utilisés :
l'un appartenait, face aux bains d'Eyrac, à M. Loude, coiffeur testerin,
l'autre, Cours Desbiey, à Duprat. En fait il y en avait d'autres : nous en
avons trouvé 7 dans les actes de vente : quatre sur la pièce de Bos, Matchin et
Peymaou, un sur chacune des parcelles des Places, d'Eyrac et de Bos, plus les 2
de l'hôtel Gaillard. Mademoiselle Simon, descendante de Legallais par le
petit-fils de ce dernier, François Gustave, rappelait aussi en 1974, la
tradition familiale d'un puits dont on tirait l'eau grâce à un mulet qui
tournait autour.
Ils étaient presque toujours partagés entre
plusieurs propriétaires et l'acte de vente de 1843 de Duprat au Docteur Hameau
précisait que le puits serait à creuser par l'acheteur sur la parcelle du
vendeur. On peut donc penser que nombre de propriétaires avaient dû construire
des puits personnels. Mais cette eau était parfois ferrugineuse.
Aussi le 27 avril 1855, le médecin
inspecteur Pereyra attira-t-il l'attention des résidents sur, nous dit
Lamarque, «la nécessité de changer la
nature de l'eau» car elle était «tellement
colorée dans quelques endroits que la vue seule inspire parfois une certaine
répulsion». On préconisa l'utilisation des puits filtrants expérimentés par
Chambrelent dont le fond était constitué de pierrailles calcaires destinées à
l'épuration. Le premier fut construit Chemin de Bel Air et ce fut une des
premières décisions du Conseil Municipal d'Arcachon, le 28 juin 1857.
2) Les lieux de culte
L'autre grande question était celle des
lieux de culte. Le seul qui existait à Arcachon était, on l'a dit, l'antique
chapelle Notre Dame construite sur un terrain de
La
chapelle « baroque » en 1822 (AM Bordeaux)
Ce qui provoqua, en 1847, un conflit avec
les époux Deganne, lorsqu'elle voulut utiliser ce qui lui restait. Les Deganne
considéraient que ce terrain était indûment occupé et portèrent l'affaire en
justice. Un accord fut trouvé, le terrain reconnu comme appartenant à
Cette chapelle de
Ses peintures furent restaurées en 1836,
après que
Puis ce fut, en 1840, le tour du
maître-autel et des autels latéraux. Quant à l'extérieur, il fut restauré en
1846 puisque le 22 février, le Conseil municipal décida d'une adjudication de
travaux pour un montant de 1.685 francs ; elle sera effectuée devant le
Conseil de fabrique, le 8 mars. Il s'agissait en effet de construire un nouveau
péristyle «en ordre toscan», de
reconstruire un arceau à l'intérieur de la chapelle et de réparer le portail.
C'est ce qui explique la transformation de ce charmant porche de style baroque
en porche pseudo renaissance, «resplendissant
de dorures» !(10) . Mais cet édifice originel du début du XVIIIe
siècle ne plaisait plus.
Le
portail « toscan » en 1846 (AM Bx)
Dès février 1831, Victor Hugo avait, dans
Notre-Dame de Paris, réhabilité l'art médiéval ; écoutons une fois encore
l'abbé Mouls, fustigeant «ce XVIIIe
siècle si plein de mépris pour le Moyen Age et le style gothique» et
appelant de ses vœux une nouvelle construction.
En effet, malgré cette rénovation, l'église
qui n'a pas été agrandie, se révèle bientôt trop petite. Sa démolition est donc
demandée le 15 novembre 1851 mais ce n'est qu'en 1858 qu'on en construisit, à
côté, une nouvelle.
Entre temps s'était posé le problème du
service religieux : le 11 avril 1853, le Conseil demandait l'érection de
Cette demande avait été préparée dans une
commission comprenant des notables : Lamarque de Plaisance, l'abbé Montariol,
Oscar et Jean Baptiste Dejean, Bestaven, Marichon, Moureau, de Joigny,
Legallais fils aîné réunis autour du curé de
Cette demande d'un prêtre permanent
exigeait la délimitation de la nouvelle paroisse, ce qui fut fait par décret
impérial du 15 avril 1854. Elle comprenait non seulement la future commune, de
l'Aiguillon à la cabane du garde du Moulleau, mais aussi la presqu'île du
Cap-Ferret jusqu'à la limite de Lège et la portion du bassin appartenant à
On peut imaginer les réactions si, en 1857,
paroisse et commune avaient coïncidé ! Il faut remarquer aussi que cette
séparation religieuse était un premier pas vers d'autres.
Le 31 mars 1855, pour pouvoir agrandir la
chapelle, le Conseil acheta au pied de l'escalier, à Monsieur l'abbé Montariol,
un terrain de
Le 17 novembre fut créé, aux frais de la
fabrique, un vicariat, le Conseil regrettant «de ne pouvoir venir lui même en aide à la paroisse d'Arcachon».
Le 10 novembre 1856 fut approuvé le projet
d'Allaux pour reconstruire, au motif qu'il y a 4.000 habitants en été. Le devis
«pas élevé étant donné les prix des matériaux à Arcachon» se montait à
104.731,48 francs. Mais le Conseil Municipal, vue la situation financière de la
commune, ne put venir en aide à la fabrique et demanda au ministre une
subvention de 35.000 francs. Le Conseil de Fabrique quant à lui avait déjà
commencé à réunir des fonds, organisant trois tirages d'une loterie qui
recueillit 60.000 francs (1856-57) puis un concert en 1856 (11)
Le 6 juillet 1856 avait été posée la
première pierre en présence du Cardinal et des évêques de Nevers, Gap et
Saint-Flour. La nouvelle église devait regarder la «croix colossale»(12)
qui avait été érigée le 25 mars précédent au bout de l'allée, en bord de mer,
afin de remplacer l'ancienne croix des marins...
Mais la construction n'était pas commencée
au moment de la séparation : elle ne débutera qu'en 1858 pour se terminer en
1861.
Notre
Dame(collection privée)
C'est par contre à l'initiative des
propriétaires que fut entreprise la réalisation de deux autres églises : le 15
octobre 1854, en effet, Pierre Célérier aîné, négociant domicilié 12 quai des
Chartrons et propriétaire d'une pièce de
La construction fut financée par une
souscription d'un montant total de 25.000 francs, et les travaux furent
entrepris, suivant les plans de Montpermey, entrepreneur testerin, de janvier
au 15 juillet 1855.
Saint
Ferdinand en 1870 (Guide Joanne)
Elle était surmontée d'un clocher de
Moins facile fut la construction de la
troisième chapelle, celle de Sainte Cécile entreprise sur des terrains privés
offerts par MM. Gauthier et Bopp et par les propriétaires du centre. Pour
couvrir le prix du devis, 14.000 francs, une société civile fut mise sur pied
par acte du 10 juillet 1856. Elle avait pour but, en émettant 140 actions, de «construire une chapelle de culte
catholique qui sera offerte à la ville dès son érection en commune».
Les signataires étaient au nombre de 27
autour de Pierre Gautier, Jean Lacou et du Baron Portal.
La valeur estimée du terrain étant de 5.000
francs, les sieurs Gautier et Bopp souscrivaient chacun 25 actions. D'une durée
d'un an, la société appelée «Société de
Le bâtiment, construit par l'architecte
Ferrand, mesurait
Mais cette chapelle n'eut qu'une brève
existence : le 7 septembre 1863, Bopp, Gautier et Lacou revendirent terrain et
bâtiment pour 10.850 francs à Nathaniel Louis Hovy fils qui céda le tout à
l'Eglise Réformée de France.
Hovy dut d'ailleurs régler 2.000 francs de
plus à Lacou, en 1870, car il s'y était engagé si, au 1e, janvier 1870, une
chapelle de culte catholique n'avait été construite dans le centre d'Arcachon.
3) Les écoles
Outre les âmes, il fallait aussi s'occuper
des cerveaux. C'est le 11 octobre 1852 que le Conseil demanda la création d'une
école laïque et proposa de nommer le jeune élève maître Mouliets, adjoint à
celle de La Teste, comme instituteur. Le projet, semble-t-il, n'aboutit point
puisque le 11 février 1853 il en fut de nouveau question, le Conseil allouant
200 francs et demandant l'un des hangars du débarcadère d'Eyrac pour y loger le
maître et y faire la classe. Mais le 8 mai 1856, lors du débat sur l'érection en
commune, il est souligné que les «enfants
d'Arcachon sont encore, sans que ce soit la
faute de la commune, éloignés de l'école communale». Le projet n'a donc pas été réalisé.
Est-ce parce que le 19 octobre 1854 le
Préfet avait demandé l'avis du Maire sur l'ouverture d'une école libre par
Catherine Desgraves de Gujan ? C'est ce que reconnaît implicitement le Maire
lorsqu'il dit : «Pourquoi se plaint-on à
Arcachon du manque d'école ? N'en existe-t-il pas une libre dans laquelle sont
admis les enfants des deux sexes ?»; avec cependant deux restrictions :
elle était
payante et les garçons ne pouvaient la
fréquenter au delà de la «petite
enfance».
La première école communale laïque fut
enfin ouverte en 1857 avec M. Moureau comme instituteur ; le terrain en fut offert par Mme Jehenne.
4) Les commerces
Il fallait aussi nourrir les résidents.
Il est assez difficile de cerner
l'équipement commercial de la nouvelle cité : le Préfet autorisa en
Léo Drouyn (26 Août 1850): la
limonaderie Daussy « bières et orgeats »à Eyrac
(à l’angle de l’actuel
bd de la plage et de l’avenue Nelly
Deganne, le chemin qui va vers le bassin
est l’actuelle rue du Dr Jolyet)
in Leo
Drouyn « le bassin d’Arcachon et la grande lande » CLEM 1998
Par contre, on note en 1852-53 les
autorisations d'ouverture de 4 cafés-restaurant (Dessans, Gal, Dasté, Bouscaut),
une limonaderie (Daussy), un débit de vins (Lacou) et un de liqueurs
(Dehilotte) auxquels s'ajoutent en 1854/55, un billard (Gieze) et deux cabarets
(Gautier et Brun), plus un bureau de tabacs (Legallais) et un casino (Laporte).
Il y a aussi en 1855 deux boulangeries ; Boyrie et Dutouya.
Ainsi l'équipement commercial, qui vient
compléter les hôtels, est-il encore très superficiel à la veille de la
séparation. On peut donc imaginer que l'essentiel de l'approvisionnement venait
de La Teste sous une forme difficile à cerner faute de témoignages. Il fallait
pourtant nourrir beaucoup de monde car le renom de la station augmentait et ses
hôtels étaient, on va le voir, très fréquentés.
Ce paysage hôtelier s'était d'ailleurs
modifié : déjà en 1843, la faillite de François Legallais avait entraîné un
premier changement. Il ne pouvait faire face aux emprunts contractés pour les
agrandissements et la gestion de l'hôtel, dettes qui se montaient à 50.000
francs, et il était gêné par le fait que la moitié de la pièce d'Eyrac et de
l'hôtel appartenait à Mme Legallais. Pour y remédier, le couple avait en 1842
transféré, sous forme de donation, la part de l'épouse à son fils Jean (lors de
son mariage avec Mademoiselle Delacour), à charge pour lui de payer la moitié
des dettes. Mais cela n'avait pas suffi :
en juillet 1846, François, qui avait obtenu
un concordat pour reprendre ses affaires, dut vendre pour 2.000 francs de
terrains afin d'éponger les dettes contractées auprès des créanciers.
L'hôtel échut en 1850 aux deux aînés des
trois fils, Jean et Jean Evariste, lequel, en 1854, céda sa part à Jean qui
devint ainsi l'unique propriétaire. Il vendit alors pour 23.500 francs de
terrain, ne gardant qu'un peu plus d'un hectare...
L’hôtel Legallais vers
1857(Collection privée)
Même destin pour les deux autres
établissements qui avaient marqué les débuts d'Arcachon.
En 1856, Guillaume Lesca doit vendre
l'hôtel hérité de son père Jean en 1850. Les dettes, dont Guillaume et sa sœur
Jeanne héritent avec l'hôtel, s'élevaient à 14.000 francs. Guillaume, en 1852,
racheta pour 7.000 francs la part de sa sœur, ce qui permit à celle-ci de
rembourser sa créance, puis fut contraint quatre ans plus tard de vendre à son
tour l'hôtel car il n'avait pu rembourser les 7.000 francs qu'il devait lui
aussi. L'acquéreur fut M. Poumeau-Lafforêt, qui venait de Dordogne, et l'hôtel
prit naturellement le nom d'Hôtel de
Périgord.
Quant à l'hôtel Gaillard, son constructeur
Joseph mourut célibataire le 26 octobre 1854. Sa mère et sa sœur, Rose,
héritèrent donc de l'hôtel d'Eyrac, anciennement appelé Gaillard. Mais trois
ans plus tard, le 6 mars 1857, elles durent le vendre 35.421 francs, montant
des hypothèques dont il avait été grevé du vivant de Joseph. A cette somme
s'ajouta 1.000 francs pour la clientèle et 5.000 francs, transformés en rente
viagère, pour le mobilier. L'acheteur fut M. Sigaudès, originaire du Tarn qui,
11 jours après la
signature du contrat, épousa Rose Gailhard.
La faillite de ces premiers hôteliers
éclaire d'un jour moins brillant les débuts de la station : les affaires n'y
étaient pas toujours florissantes et la brièveté de la saison ne devait pas
permettre d'amortir les investissements réalisés.
En 1855, on peut dresser le tableau suivant
des hôtels arcachonnais qui se trouvent
tous sur la même « rue principale », l’actuel boulevard de la plage
dont les niméros partaient de l’allée de
Hôtel Bellevue : construit en 1851, refait
en 1854 par Dasté, N°82.
Hôtel de Bordeaux : ou Bordelais, ouvert
par le pâtissier Dessans, tenu,en 1855 par Grenier, N° 124
Grand Hôtel de France tenu depuis 1853 par M. Grenier, N° 169.
Hôtel d'Eyrac : ancien hôtel Gaillard
(1852), N°180.
Hôtel d'Arcachon : ouvert en 1847 par
Thomas Lussan , N° 206.
Hôtel Legallais : ouvert en 1823, il existe
encore en 1893, N°217.
Hôtel des Empereurs : ancien hôtel Tindel
(1836), puis Gaillard , appartenant en 1855 au sieur laporte et tenu par
M.Duplanté ,N° 243-47 .
Hôtel du Périgord : ancien établissement
Lesca, N° 285.
.
Auxquels il faut ajouter, au N°38, l’
hôtel Boyrie,où l’on pouvait aussi
trouver des « voitures » .
5-Les professions de santé
Les premiers médecins qui s’installèrent à
Arcachon furent le Docteur Jean Hameau, en 1852, dont le cabinait, qui ne
fonctionnait que l’été ouvrit toute l’année à partir de 1862 et les
Docteurs Jules et François Auguste Lalesque en 1855.
En 1856 s’ouvrit, près de la place Thiers,
au 244 bd de la plage, la pharmacie Sémiac tandis que le dentiste Duboué, ne
s’installera qu’en 1858.
D) LES ESTIVANTS
La première statistique à notre disposition
est une liste manuscrite des «étrangers
arrivés et séjournant à Arcachon en 1854, pendant la saison des bains de
mer » (16)1.935 personnes sont venues s'ajouter
aux occupants permanents des villas ou aux résidents temporaires ne louant pas
leurs maisons, ainsi qu'à tous ceux qui, le dimanche, empruntent les «trains de plaisir» et ne séjournent
donc pas.
1) Leur origine
1265 personnes viennent de Bordeaux et de
sa banlieue,
191 du département de
260 des régions françaises au sud de
188 de Paris,
19 des départements français au Nord de
6 de nos colonies (Martinique et
Guadeloupe),
20 d'Angleterre (14) et d'Irlande (6),
6 de l'étranger : 2 Madrilènes, 2 Berlinois
et 2 Américains du nord.
L'essentiel des vacanciers vient donc de la
région ; Arcachon est encore, selon l'expression de l'époque «la baignoire des
Bordelais» mais la station commence à être connue au delà. N'y sont
certainement pas étrangères les visites officielles : celles du ministre des
transports en 1844 et 1846 ainsi que celle du fils de Louis-Philippe, le Duc de
Nemours, le 8 août 1845.
2) Leur hébergement
Ils sont accueillis dans les hôtels :
- 162 à l'Hôtel Legallais,
- 140 à l'hôtel Gaillard, démoli puis
agrandi en 1853,
- 119 à l'Hôtel des Empereurs, l'ancien
Tindel, dirigé par M. Duplanté, - 81 à l'Hôtel Lesca, futur «Hôtel du
Périgord»,
- 49 à l'Hôtel de Bordeaux, chez Dessans,
- 28 à l'Hôtel Grenier, appelé Hôtel de
France depuis 1853.
soit un total de 579 personnes qui ont
fréquenté les hôtels. Les autres, c'est-à-dire 1.356 personnes, ont loué des
villas ou des appartements.
II faut souligner que la location est une
activité qui touche cette année-là 92 propriétaires. Ils louent 139 maisons, or
il y avait en 1853, 240 maisons et il s'en est bâti 55 de plus en
II précise cependant que c'est plus cher
qu'à Royan, la grande rivale.
En effet, dans la liste des propriétaires
de logements qui accueillent des étrangers, on trouve toutes les familles
connues, jusqu'aux grands notables, puisqu'on y relève les noms de Lamarque,
Johnston, Deganne, Mestrezat, Hameau...
L'analyse de ce document montre que :
22 loueurs ont reçu de 1 à 5 estivants pour
la saison 31 loueurs ont reçu de 5 à 10 estivants pour la saison
21 loueurs ont reçu de 10 à 20 estivants
pour la saison 6 loueurs ont reçu de 20 à 30 estivants pour la saison
8 loueurs ont reçu de 30 à 45 estivants
pour la saison 4 loueurs ont reçu de 50 à 100 estivants pour la saison.
Parmi les deux derniers groupes, on note,
par ordre croissant, les noms suivants : Bestaven, Lafon, Dussaut, Abbé
Bataille, Thomas, Ricard, Larue, Vénot, Lestout (51 personnes) et surtout Hovy
(75) et Célérier (99).
On voit donc que pour beaucoup de
propriétaires, la rentabilisation de leurs investissements était l'objectif
premier.
Il semble, d'après ces mêmes chiffres,
qu'on venait beaucoup en famille, les groupes supérieurs à 5 personnes sont en
effet la majorité. Que venaient donc faire ces étrangers dans «ce village aussi aristocratique qu'élégant,
ce Tahiti français» comme le dit, lyrique, un poète bordelais(18)
?
3) les distractions
a) la connaissance du milieu local, bassin, forêt, ostréiculture.
Même si, le 7 Juillet 1841, à l’initiative
du gérant des bains de mer, Dumora organisa des promenades à dos de dromadaires
importés d’Egypte…l’essentiel ce sont, on l'a vu, les bains de mer. D'ailleurs
en plus des bains dans le bassin, les estivants ont désormais à leur disposition
deux établissements de bains chauds : l'un autorisé le 23 juin 1851 «dans un bateau échoué», propriété du
sieur Chouteau, l'autre le 24 avril 1852, au sieur Lacaze, «bains flottants avec conduit souterrain pour l'eau de mer».
Ce sont vraisemblablement ceux que l'on
retrouve en 1857 aux noms de Laforet et Lacaze puis vers 1865 au droit de la
rue François Legallais (Jean Sensevin actuellement) et de la rue de
Photographié par Terpereau en 1862-64, l’établissement se trouvait
au droit de la rue Roger Expert
En plus de la baignade, il y a la pêche au
bord du bassin et les promenades en bateau à
l’île aux oiseaux. On peut, dans cette île
propriété de l'Etat depuis 1827 mais affermée, louer des fusils pour tirer le
lapin. En 1858, le transport coûte 30 centimes, le tir est payant, 50 centimes
pour tirer, 1 franc pour chaque lapin tué. Le fermier loue en effet les
permissions de chasse et cela s'ajoute à ses autres revenus : garde des
bestiaux et récolte de jonc salé pour faire de l'engrais (19) .
On peut aussi aller au Ferret et, si l'on
préfère les excursions à pied ou à cheval, la forêt offre de magnifiques
promenades. On peut aussi s'initier aux secrets de l'agriculture en visitant,
en particulier, les
Enfin, il est déjà possible de découvrir l'ostréiculture. En effet, si
la cueillette des gravettes, ostrea edulis, a toujours existé dans le bassin
(en 1843, le port de La Teste exporte 2 tonnes d'huîtres et une tonne de
moules), l'année de la naissance d'Arcachon est aussi celle de l'ostréiculture
moderne. Or nos estivants n'ont pas besoin d'aller bien loin pour voir des
parcs, car les nouveaux Arcachonnais se sont déjà intéressés à cette activité
qui peut être une nouvelle source de profits : si Lacou, en 1860, célèbre le
grand parc de «l'estey neuf, en face de
l'hôtel de France, sur les atterrages de l'île», là où «se trouve la meilleure huître de gravette», il y a des parcs plus
près.
Le 18 janvier 1857, Ostinde Lafon,
capitaine de navire, a obtenu une concession sur le crassat d'Arams -l'actuel
port de plaisance- pour y faire «un dépôt
d'huîtres» (20) .
Or une telle mesure était aussi réclamée
par Osmin Lalesque. Les deux s'associent donc pour constituer une société
civile au capital de 10.000 francs, dont Lalesque détient les 3/4, pour «le peuplement des parties de crassat, leur
exploitation consistant en engraissement et repeuplement d'huîtres, en achat et
vente de ces coquillages».
De même, le 17 avril 1857, les dénommés
Mano et Marie Lacave se sont associés avec un marin, L. Faussecave, pour
exploiter une concession sur le crassat de
L'ostréiculture naissante n'échappe donc
pas aux lois de l'époque.
a) les autres loisirs
Ces activités écologiques ou culturelles
s'accompagnent pour les adultes de bals -on danse dans les salons des hôtels- et de réceptions chez les
uns ou les autres. Pendant les temps de repos, on peut aussi s'adonner à la
lecture du premier journal local, le Journal d'Arcachon, créé par Lamarque de
Plaisance le 15 juin 1856 qui paraissait le dimanche, en été, et restait
bimensuel le reste de l'année.
Mais il n'y a que très peu de loisirs
organisés : en 1853 fut installée une «commission
des fêtes et des régates» dont le résultat fut la création, le 6 juin 1854,
de
Arcachon, les régates, document non daté (AM Bx)
En 1858, Adolphe Joanne cite un certain
Ernest Bersot qui écrit : «Un des lieux
où la mode domine le moins est Arcachon. II y a là un reste de vie sauvage qui
résiste obstinément à la civilisation... chaque famille habite une maison,
se baigne devant cette
maison, visite quelque autre famille, se réunit avec elle pour une partie de
promenade dans la forêt, une partie de cheval ou de bateau, ou
pour passer les soirées. Nul endroit où le beau monde se rassemble, pas de
casino, pas de bal ; on ne fait que passer sur la route et, soit dans les
broussailles des dunes, soit sur le sable humide et le varech de la plage, il
n'y a pas de toilette possible"`(22).
Les grandes manifestations populaires
restent encore les fêtes religieuses et les bénédictions de bateaux. Ainsi le
25 mars, jour de l'Annonciation, dont Ribadieu nous dit, en 1858, qu'il y a, ce
jour-là «débordement de Landais ; ils
surgissent de partout, on dirait un campement de Peaux rouges». Il faut
dire qu'il s'agit là de la fête patronale à laquelle est attachée l'indulgence
de 1626. Mais cette fête est surtout «locale».
Celle, par contre, qui marque la saison des
bains de mer est la procession nautique
du mois d'août. En 1841, le jour de la sainte Anne (26 juillet), à qui
un autel était consacré dans la chapelle depuis 1742, fut aussi organisée une course de tilloles
montées chacune par deux marins.
Sur la plage (non daté,
BM Bordeaux),
Quant aux enfants, ils ne commencent à être la
cible des marchands qu'à partir de 1855 : le 7 juillet,
E) ASPECTS DE
Face à cet «envahissement» de constructions
et d'estivants, la forêt a, près de la plage, presque partout disparu. Mais
elle domine encore à l'intérieur et au delà de l'Eglise Notre-Dame. De plus,
les crêtes du Peymaou sont encore couronnées de forêts modernes. Ces forêts
sont le résultat de la politique systématique de semis entreprise à partir de
1801 sous l'égide de la «Commission des dunes» présidée par Brémontier (mort en
1809) et de Jean-Baptiste Peyjehan, Inspecteur des travaux pour
rongés par la mer. Poursuivis à partir de
1803 (lèdes de Moulleau et Peymaou), les semis concernèrent surtout les dunes
qui menaçaient la petite montagne. Ils eurent lieu entre 1804 (dune de Didier
entre les Abatilles et le Moulleau) et 1810 (dunes des Abatilles, en avant de
la pièce usagère du même nom, et dune du Four Somart en arrière). Quant à celle
de Peymaou, c'est en 1808 qu'elle avait été fixée juste avant la dune du Port
en limite avec
Tous ces travaux avaient été entrepris par
l'Etat. Les propriétaires n'avaient en effet pas profité de l'autorisation
royale de 1782 car il était précisé qu'une fois les arbres poussés, ceux-ci
redeviendraient usagers, aussi avaient-ils pendant la Révolution «renoncé aux
sables».
_______________________________________
Cinquante ans plus tard, Arcachon était
donc dominée par une forêt de belle venue, forêt de pins essentiellement dont
il ne reste d'exemple que dans la forêt communale actuelle, tout le reste ayant
été transformé par apport d'espèces «étrangères» lors de la construction de
C'est pourquoi le cadastre de 1857 note la
présence de
Pendant qu'une autre naissait, elle aussi
condamnée à terme par la future Ville d'Hiver, une autre disparaissait. Mais en
1857, elle avait encore de beaux restes : on pouvait, de cabane en cabane, se
promener à loisir.
De la cabane Bourdain «élevée à l'ombre des grands chênes qui sont curieux à voir avec la
vigne qui enlace dans leurs rameaux et jusqu'à leurs cimes »(24),
à celle de Peyjehan, au milieu d'une «grande clairière formant colline et chargée
de pruniers sauvages et d'aubépines»; puis, au travers d'une dune raide «dont le chemin qui la traverse paraît tracé
dans du sable mouvant», on arrivait à la cabane Pontac d'où l'on pouvait
dominer le Bassin. On pouvait aussi, en partant de
Arcachon n'est donc encore, entre la mer et la forêt, qu'une «ville-rue»
de
notera Ribadieu en 1859 avant que ne
commencent les grands nivellements de
Un ensemble semble-t-il anarchique avec
cependant deux zones distinctes qu'Ernst (25) nous fait découvrir en
1857 : «Les maisons à gauche de la route
(nous sommes à l'entrée d'Arcachon) sont passables quoique fort petites : ce
sont particulièrement de petits cafés ou auberges. Celles à droite, enfermées
dans un enclos, ressemblent assez aux baraquements de nos camps militaires.
C'est une suite de petites maisons, en bois surtout, ayant toutes leur petit
jardin en arrière et, en avant, posées en ligne devant le bassin où on descend
directement pour prendre son bain».
Ce premier village du Moing est suivi d'un
«vide» où se dresse St Ferdinand, puis après les Hôtels Gaillard, sur pilotis,
et des Empereurs, «plus on avance, plus
les maisons sont élégantes». C'est à partir d'Eyrac qu'on trouve, dit
Ribadieu deux ans plus tard, «de
gracieuses constructions, des galeries, des kiosques qui rachètent tout ce
qu'il y a d'affreusement prosaïque» dans les équipements dont il a parlé, «toutes choses bien agréables mais d'une
désopilante vulgarité».
Le château Deganne, non
daté (AM Bx)
L'entrée de ce quartier est dominée par le
château, construit par Deganne en 1853, peut-être en souvenir d'un amour de
jeunesse. Il le fit édifier en effet sur le modèle de celui de Boursault, bâti
de 1843 à 1848 par la veuve Clicquot pour sa petite-fille Marie Clémentine,
comtesse de Mortemart, qu'il courtisa pendant quatre ans(26).
La ville basse est en fait un immense
chantier de construction, non seulement il y a les maisons, les voies nouvelles
qui percent parfois les dunes, l’alignement des anciennes comme celui de
Celui-ci, après un accord avec
14
avril 1857(27), il ne restait
plus grand chose à faire et les travaux furent terminés en
3
mois. La ligne fut inaugurée le 26 juillet, amenant à Arcachon, dès les
premiers six mois, 18.755 voyageurs.
Arcachon n'est donc plus «solitudo», c'est un «vicus» balnéaire
testerin, ce n'est pas encore une «civitas», mais elle le deviendra très vite
après la séparation du 2 mai 1857 qui lui donnera son indépendance.
NOTES
1) Registres cadastraux de
1bis) le guide de 1855, retrouvé par Jean
Pierre Ardoin Saint Amans est visible sur le
site : « http://www.arcachon-nostalgie.com/liens.htm »
2) Matrice cadastrale d'Arcachon. A.D.
Gironde.
3) Montigaud, Arcachon depuis sa création, 1905, Bordeaux Gounouilhou.
4) Lamarque de Plaisance, Réponse à Adalbert Deganne, 1862,
Bordeaux, Crugy.
5) L'avenue du Château, en cours de
construction en 1856, ne sera prolongée de l'Avenue Lamartine au boulevard de
6) Guy de Pierrefeux.
7) Lamarque de Plaisance, op. cit.
8) Oscar Dejean, Guide du voyageur à La Teste, op. cit., 1845.
9) Abbé Mouls, 1855.
10) Oscar Dejean, La chapelle Notre-Dame d'Arcachon, Bordeaux, Crugy, 1856.
11) André Rebsomen, 1937.
12) Oscar Dejean, op. cit., 1856.
13) Almanach
d'Arcachon, 1863, op. cit.
14) Montigaud, op. cit.
15) J. Valette, Le culte catholique à Arcachon au XIXe siècle in « Le littoral gascon et son arrière
pays » II, SHAA, 1992.
16) Noms
des étrangers arrivés et séjournant à Arcachon pendant la saison desbains de
mer de 1854, BM, Arcachon.
17) Itinéraire
à Royan et Arcachon par Ernst, Bordeaux, P. Chaumas, 1857,BM Arcachon.
18) E. Labrousse, L'été d'un poète bordelais, Bordeaux, Férêt, 1850.
19) Lacou, Guide historique, pittoresque et descriptif du voyage aux bains de
merd'Arcachon, 1860, Métreau, Bordeaux.
20)
AD Gironde 3E 31217.
21)
Abbé Mouls, op. cit., 1855.
22) Joanne, Itinéraire de Bordeaux à Bayonne, op. cit., 1858.
23) Voir notre article in Le Pilat, la grande dune et le Pays de Buch
(pages 112 à 126), Arpège, 1983.
24) Lacou, op. cit.
25) Ernst, op. cit, 1857.
26) J.P. Ardouin de Saint Amans, Le Château Deganne, BSHAA n° 68,1991.
27) l’arrêté de publication du plan des
terrains qui seront traverses par la ligne de chemin de fer, parut le 8 Juin
1857.
Robert AUFAN,
I° et 2° éditions : Mai – Juin
1994
3° édition /internet : Janvier 2007